On m'appelle encore une fois et je termine rapidement de ranger mes affaires avant de me redresser. J'attrape ensuite ma veste, glisse ma stèle dans la poche avant de mon pantalon noir et sort de ma chambre. Après avoir passé quelques jours chez mes parents, j'ai décidé de rentrer à l'Institut. En me voyant arriver, beaucoup m'ont regardée bizarrement, sachant qu'ils étaient surpris de ma nouvelle coupe et couleur de cheveux. Ce rouge vif me colle maintenant à la peau et je ne pensais pas l'aimer autant. Le dos droit et la tête haute, j'arpente les couloirs et finit par suivre tout un groupe de Shadowhunters, qui entrent dans une salle: celle que nous utilisons pour les grandes réunions. Je sais déjà que nous allons partir en mission, et que ça va être du lourd. Pile ce qu'il me faut, histoire de ne plus penser à Amos ou à quoi que ce soit se rapportant à lui. Pourtant Rafe m'as avoué qu'il serait de la partie: l'enjeu de la mission est bien trop grand, et nous avons besoin du plus de bras possible. En tant que Nephilim et Chasseuse d'Ombres, je peux parfaitement comprendre. J'espère juste secrètement de ne pas être dans la même équipe que lui. J'aurais vraiment du mal à me concentrer, si c'était le cas.

Mon père est déjà dans la pièce et a apparemment commencé à exposer le problème, ainsi que la manière dont on va procéder. Ce sera sans doute long et intense, mais ça doit absolument être fait. Le monde humain est en danger, c'est quelque chose que nous ne pouvons pas négliger. Je ressens la présence de mon frère dans la salle, et n'ai qu'à tourne légèrement la tête pour le voir. Les bras croisés, il semble très concentré sur ce que dit notre père; je ne loupe pas non plus Amos et mon coeur loupe un battement. Je secoue la tête, refusant de me laisser aller, et la réunion se termine quelques minutes plus tard. Mon père me souhaite bonne chance, m'intime d'être prudente et je lève les yeux au ciel. Lui aussi sera là, mais il ne peut juste pas s'en empêcher, je pense. Une fois sortis de la salle, je rejoins Rafe et nous nous dirigeons vers la salle d'armement. "Alors, prêt?", demandais-je joyeusement en entrant, jetant mon dévolu sur deux lames séraphiques ainsi que sur un poignard. "J'ai tellement hâte! Ça faisait longtemps qu'on était pas partis pour une grosse mission comme ça!"

Nous ne mettons pas longtemps à arriver sur place. L'endroit est glauque, comme beaucoup de nids de vampires. Je prends une profonde inspiration et attend qu'on nous fasse signe d'entrer pour me faufiler à l'intérieur en premier. L'endroit est immense, voilà pourquoi on nous a divisés en plusieurs équipes, pour couvrir plus de terrain. Sentir la présence de mon Parabatai près de moi me rends plus forte, non seulement émotionnellement, mais également pour le combat. C'est un fait reconnus, deux personnes liées par la rune des parabatai sont doublement plus agiles, et plus fort lors de combats. Espérons que ça joue en notre faveur. Dedans, il fait totalement noir ou presque, si bien que me sens obligés d'activer ma rune pour voir clair dans l'obscurité. Je fronce les sourcils et m'arrête, levant le bras pour que mon équipe, qui est en train de me suivre, m'imite. Rafe me regard, arquant les sourcils pour me demander silencieusement ce qu'il se passe. L'endroit est totalement vide. Il y a bien sûr de nombreux meubles, mais la pièce que nous venons d'envahir ne semble pas habitée du tout. Et c'est ça le plus étrange...

Une explosion, puis le chaos. Des vampires sortent de partout, tout crocs dehors, et commencent à tuer. Je crie aux autres de reculer pour nous laisser une marge d'erreur, de l'espace pour nous battre, mais nous sommes rapidement encerclés. Coincés et faits comme des rats. Pourtant, je refuse de céder à la panique, et abat vampires après vampires, ignorant leur force. Ignorant les coups qu'ils arrivent à me donner. Mes lames séraphiques dégoulinent de sang et le sol se macule vite de poussière et de corps. Des gens que je connais sont étendus là, morts ou pas. Nous avançons tout de même, tuant et tuant sans nous arrêter. Du coin de l'oeil, je surveille mon frère, qui ne reste jamais bien loin de moi. Il lutte tout autant que moi. Tout autant que les autres. L'odeur de brûlé m'envahit vite les narines mais il n'y a pas encore de trace de feu: l'explosion a eu lieu un peu plus loin dans l'immeuble, et je n'ose pas m'imaginer le nombre de pertes que nous allons devoir pleurer une fois cette mission terminée. Finalement, nous arrivons a purger la pièce et à la vider de vampire, prêts à avancer et à passer à la suite. "Restez sur vos gardes...Nous n'avons eu que le comité d'accueil, le pire est à venir." Les plus affreux ne sont jamais en tête de ligne: ils préfèrent largement sacrifier les jeunes d'abord pour nous garder le plus compliqué une fois que nous sommes déjà plus faibles et fatigués. Sentant les forces me quitter un peu, j'active ma rune stamina, sentant l'énergie revenir comme si on m'avait injecté une centaine de doses de caféine dans les veines. Puis nous arrivons dans une autre pièce, aussi sombre et dégoûtante que la précédente. Et celle-ci est déjà envahie de vampires, se battant contre des Nephilims, mais ceux-ci sont apparemment en sous nombre. Et là, au milieu du chaos et de la foule, je vois une tête familière. Amos. Sans armes. Sans défenses, cerné par les ennemis. Et malgré tout ce que je ressens, malgré la colère, la rancoeur. Malgré la haine que j'ai pu lui porté, tout s'est comme envolé. Et je fonce. De rage, j'hurle en plantant ma lame séraphique dans le coeur des vampires, en décapitant d'autres et je force mon chemin jusqu'à lui. Mais je suis encore trop loin et me rends bien compte que je n'arriverais pas jusqu'à lui avant que l'un des vampires ne lui fasse réellement du mal. Ne le tue. Alors je tente le tout pour le tout et lance ma lame, qui vient directement se loger dans le crâne du vampire et le soulagement m'envahit l'espace d'une seconde. Mes yeux ont même le temps de croiser ceux d'Amos alors que je prends une profonde inspiration pour me calmer.

Soudain, de loin j'entends qu'on hurle mon prénom. Mais je n'ai pas le temps de tourner la tête qu'une douleur brûlante et glaciale à la fois m'envahit. En baissant les yeux, je vois l'éclair noir d'une arme d'origine démoniaque transpercer mon ventre, pour ensuite ressortir. Dans ma tête, le cri de Rafe semble faire écho jusque dans mon âme alors que mes jambes cèdent, me laissant à genoux sur le sol. A genoux dans le sang des miens, dans la poussière de mes ennemis. Mes mains lâchent l'arme qu'il me restait encore et se plaquent sur mon ventre. Le vampire qui m'as attaqué tombe à côté de moi, avant de devenir poussière alors que la douleur semble m'avaaler toute entière. Me consumer.

C'est fou comme le poison des démons pénètre vite dans votre sang quand une lame entre dans votre ventre. Rien à voir avec le léger malaise que j'ai déjà enduré quand quelques démons avaient réussi à m'égratigner avec leurs lames. Là, tout va beaucoup plus vite. Le cri de Rafe résonne encore dans ma tête mais mon esprit commence déjà à dériver. Le noir m'enveloppe peu à peu, et je vois flou: comme si ma vue allait lâcher d'un instant à l'autre. La douleur est présente aussi. Comme si un monstre était en train de bouffer mes entrailles, de me brûler vive. Puis mes yeux, que je ne me souvenais pas d'avoir fermés, s'ouvrent brutalement quand je sens quelque chose se poser sur ma plaie, qui rend la douleur dix fois plus vive. Je pousse alors un cri, et distingue finalement les yeux d'Amos. Il parait inquiet, et paniqué. Si triste. Pourquoi est-il triste alors que ce n'est pas moi qu'il aime? Mes paupières papillonnent, mon corps entier tremble. J'ai si froid... Ma vue se brouille de plus en plus et une de mes mains s'accroche au poignet d'Amos alors que je ne le lâche pas du regard. Je sais parfaitement ce qui est en train de m'arriver, et je n'ai pas assez de force pour me battre. Pour avoir peur. Pour pleurer. Je me concentre alors sur Amos. Sur Rafe. Rafe qui souffre tellement, qui hurle encore en moi, comme un cri perpétuel d'agonie. Un goût métallique arrive dans ma bouche, sur mes lèvres. J'ai de plus en plus de mal à respirer. Amos surélève mon visage, comme si ça pouvait m'aider à ne pas m'étouffer avec mon propre sang. Et ça marche. Un peu. Je sens ensuite la présence de mon parabatai près de moi. Je ne serais pas seule. Le savoir me rassure. Pourtant il y a tant de chose que j'aurais eu envie de leur dire. J'aurais voulu serrer une dernière fois mes frères dans mes bras. J'aurais voulu remercier mes parents de m'avoir donné une si belle vie. De m'avoir donné une chance et de leur dire qu'ils sont ma principale fierté. J'aurais voulu dire à Amos que je l'aime. Sans que je ne puisse les arrêter, quelques larmes s'échappent de mes yeux pour couler le long de mes tempes. Les doigts de Rafe écartent les cheveux qui cachent mon visage, il me parle mais je n'arrive plus à comprendre ce qu'il me dit. Mon ouïe aussi est en train de faillir. Si je ne peux plus enlacer mes frères ou parler à mes père: peut-être pourrais-je faire la troisième chose sur ma liste. Mon dernier acte. Mes dernières paroles. De ma main libre mais ensanglantée, je vient caresser la joue d'Amos du bout des doigts. "Je...Je..." Ma voix est obstruée, étranglée par le sang qui coule et sort de ma bouche. Et là, je me sens dériver. Ma vue devient presque complètement noire et la dernière chose que je vois avant que mes paupières ne se ferment, c'est le regard paniqué et brisé d'Amos, alors que mon bras retombe mollement sur le sol.